Quelle alimentation contre les MICI ?
Les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (MICI) regroupent deux maladies : la maladie de Crohn, qui peut toucher n’importe quelle partie du tube digestif mais référentiellement l’intestin, et la rectocolite hémorragique (RCH) qui atteint exclusivement la partie terminale, le rectum et le colon.
Elles peuvent survenir à tout âge, mais le plus souvent chez de jeunes adultes, voire chez des enfants, avec des symptômes qui peuvent fortement affecter leur qualité de vie : douleurs abdominales, diarrhées récurrentes parfois sanglantes, fièvre, perte de poids…
Un microbiote malade, une perméabilité intestinale et une réaction immunitaire inflammatoire
Une MICI se définit comme une réponse immunitaire inappropriée associée à un dysfonctionnement du microbiote intestinal ou « dysbiose ». Autrement dit, une MICI est liée à un microbiote malade (cet ensemble de microorganismes qui colonisent nos intestins ou flore intestinale n’est plus en équilibre), ce qui modifie la perméabilité des cellules intestinales, à l’origine d’une paroi intestinale défectueuse. Trop perméable, elle ne remplit plus son rôle de barrière aux agents étrangers, ces derniers pouvant alors pénétrer et provoquer des réactions inflammatoires inappropriées.
Peut-on parler d’épidémie ?
Selon une modélisation réalisée au Canada, on estime qu’1% de la population sera atteinte d’une MICI en 2030, contre 0,7% en 2018 et 0,5 en 2008 (1). Donc oui, on peut considérer que les MICI évoluent actuellement à l’allure d’une épidémie, y compris dans notre pays.
Cette dysbiose à l’origine des MICI est liée à des prédispositions génétiques, à des facteurs environnementaux et comportementaux, et surtout alimentaires. En effet l’alimentation occidentale se situe au premier rang des accusés.
C’est ainsi que les incidences les plus élevées se retrouvent dans les pays industrialisés (notamment en Europe du Nord-Ouest et aux États-Unis) et qu’elles augmentent avec le niveau de développement socio-économique, de sorte qu’elle croit fortement en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique du Sud et en Inde.
À noter que les MICI touchent également des sujets de plus en plus jeunes, avec une forte hausse chez les adolescents.
Le doute n’est plus permis, le facteur de risque n°1 des MICI est l’alimentation occidentale
L’alimentation occidentale, en raison de ses propriétés pro-inflammatoires, est liée à la survenue des MICI. Elle perturbe nos défenses immunitaires, favorise la dysbiose et altère notre perméabilité intestinale, ce qui entretient des réactions inflammatoires et contribue au maintien de la maladie.
Inversement, les nombreuses études sur ce sujet indiquent que le retour à une alimentation anti-inflammatoire, en rééquilibrant le microbiote, est bénéfique contre les MICI (2). Celle-ci est riche en fruits et légumes, en viandes blanches et poisson. Elle limite la viande rouge, les graisses animales, le sucre raffiné et les additifs, composants de l’alimentation occidentale.
La survenue et l’évolution des MICI pourraient donc être modulées en modifiant notre alimentation.
Comment agissent les aliments par rapport aux MICI ?
Les protéines
Les protéines d’origine végétale* ont une action protectrice sur l’intestin. Dans le microbiote intestinal (ou encore flore intestinale), elles augmentent la concentration d’espèces bactériennes exerçant un effet anti-inflammatoire (bifidobactéries, lactobacilles). Ces bactéries produisent des acides gras à chaine courte, molécules clés car elles renforcent la barrière intestinale et exercent des effets anti-inflammatoires. À l’opposé, les protéines animales, comme celles présentes dans la viande rouge, augmentent des espèces bactériennes ayant plutôt une action pro-inflammatoire (bacteroides), favorisant le risque de MICI (3).
* Exemples d’aliments riches en protéines végétales : quinoa, lentilles, pois chiches, haricots rouges…
Les graisses
Les oméga-3 (poissons gras, oléagineux…) ont une action anti-inflammatoire. Mais lorsque le rapport oméga-6/oméga-3 est trop déséquilibré en faveur des oméga-6 (huile de tournesol, d’arachide…), les acides gras deviennent pro-inflammatoires.
Autrement dit, s’il est conseillé d’augmenter la consommation d’oméga-3, il est nécessaire de diminuer en parallèle celle des oméga-6. Les graisses saturées (comme les graisses animales) entretiennent également des réactions pro-inflammatoires au niveau intestinal.
Le sucre
En quantité raisonnable, la consommation de sucres complexes (comme les fibres solubles : légumineuses, fruits, légumes, grains entiers) est plutôt bénéfique sur le microbiote intestinal, car elle augmente le taux de bactéries anti-inflammatoires et diminue les pro-inflammatoires. En revanche, il a été montré que les boissons sucrées augmentent le risque de souffrir de MICI (4). De même, les édulcorants (saccharine, sucralose, aspartame) utilisés par les industriels pour remplacer le sucre naturel en raison de leur fort pouvoir sucrant ne sont pas recommandés (5). Ils entrainent des signaux sur le microbiote intestinal exactement opposés à ceux du sucre naturel simple (non raffiné) : diminution des bactéries anti-inflammatoires et augmentation des pro-inflammatoires.
Les aliments ultra-transformés (AUT)
- Ils sont fabriqués industriellement.
- Ils sont enrichis avec des additifs (stabilisants, conservateurs, épaississants, émulsifiants, exhausteurs de goût, colorants).
- Ils sont riches en acides gras saturés, en acides gras trans (obtenus par procédés industriels et considérés comme néfastes pour la santé), sucre, sel et pauvres en fibres alimentaires.
En France, 30% de notre alimentation se compose d’AUT et 60% aux États-Unis, ce qui pose un réel problème d’autant plus que cette consommation est toujours en constante progression.
Les aliments sont transformés pour des raisons « cosmétiques », pour qu’ils soient plus savoureux, qu’ils se conservent plus longtemps, pour leur donner une saveur plus sucrée, une texture plus agréable, etc.
Mais toutes ces transformations ont des impacts sur notre microbiote, comme le démontrent les nombreuses études récentes sur ce sujet d’actualité : le risque de MICI (et plus particulièrement de maladie de Crohn) augmente d’autant plus que la consommation d’AUT est élevée (dès 1 à 4 portions/jour) (6, 7).
Les données scientifiques et épidémiologiques actuelles s’accordent sur l’existence d’un lien entre alimentation et MICI. Cette relation doit nous encourager à modifier le contenu de notre assiette pour une bonne santé intestinale. De simples petits changements progressifs dans nos habitudes alimentaires suffisent parfois à améliorer le confort intestinal. Parlez-en à un professionnel de santé. En plus du médecin et du diététicien, le pharmacien représente aussi un acteur clé pour proposer des solutions et pour un accompagnement personnalisé.
Alimentation et MICI : ce qu’il faut retenir
- Notre mode d’alimentation occidentale est associé à un risque de MICI.
- Les fruits, légumes et poissons sont bénéfiques contre les MICI.
- La consommation de viande rouge, graisses saturées, sucre raffiné est pro-inflammatoire.
- L’alimentation ultra-transformée est un facteur de risque de maladie de Crohn.
- Les additifs, comme les émulsifiants et les édulcorants, sont des facteurs de dysbiose.
- La prévention et le traitement des MICI passent en partie par l’alimentation, dont l’évolution dans notre société dépend d’interaction entre le corps scientifique, industriel et politique.
Sources
(1) Coward S et al., Past and Future Burden of Inflammatory Bowel Diseases Based on Modeling of Population-Based Data, Gastroenterology, 2019, 156(5):1345-13.e4.
(2) Levine A et al., Crohn’s Disease Exclusion Diet Plus Partial Enteral Nutrition Induces Sustained Remission in a Randomized Controlled Trial, Gastroenterology, 2019, 157(2):440-50.e8.
(3) Dong C et al., Meat Intake Is Associated with a Higher Risk of Ulcerative Colitis in a Large European Prospective Cohort Studyø, J Crohns Colitis, 2022, 16(8):1187-96.
(4) Fu T et al., Sugar-sweetened beverages, artificially sweetened beverages and natural juices and risk of inflammatory bowel disease: a cohort study of 121,490 participants, Aliment Pharmacol Ther, 2022, 56(6):1018-29
(5) Singh RK et al., Influence of diet on the gut microbiome and implications for human health, J Transl Med, 2017, 15(1):73
(6) Narula N et al., Association of ultra-processed food intake with risk of inflammatory bowel disease: prospective cohort study, BMJ, 2021, 374:n1554.
(7) Narula N et al., Food Processing and Risk of Inflammatory Bowel Disease: A Systematic Review and Meta-Analysis, Clin Gastroenterol Hepatol, 2023, 21(10):2483-95.e1.